Voyage au bout de la route
Dans son « Usage du monde », Nicolas Bouvier raconte ses aventures à travers la Yougoslavie, la Turquie, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan, en 1953, à bord d’une vieille Fiat. Ses mots résonnent comme une invitation dans mes oreilles de père de famille bien tranquille.
« Nous n’étions pas attablés depuis une heure que Kosta avait son instrument en bretelles et que le docteur accordait un violon. Près du dressoir où elle empilait les assiettes, la servante s’était mise à danser, gauchement d’abord, puis de plus en plus vite. Kosta tournait lentement autour de la table, ses doigts carrés volaient sur les touches. La tête penchée, il écoutait son clavier comme on écoute une source. »
« Le tenancier de la tchaîkhane de Saraï use d’une publicité sans détour : un tronc en travers de la route. On s’arrête – il le faut bien – on aperçoit alors sous l’auvent de feuilles sèches deux samovars qui fument entre les guirlandes d’oignons, les théières décorées de roses alignées sur le brasero, et on rejoint à l’intérieur quelques autres victimes du tronc qui vous accordent un instant d’attention courtoise et reprennent aussitôt leur sieste, leur jeu d’échecs, leur repas. […] Quant à ce tronc, qui ne laisse aucune place à l’irrésolution, c’est le bon sens même. Comment résister à la cocasserie de procédés pareils ? Nous étions même prêts à payer le prix fort. Mais il n’en est pas question : le thé est bouillant, le melon à point, l’addition modique ; et le moment du départ venu, le patron se lève et déplace obligeamment sa solive. »
« L’étendue de montagnes, le ciel clair de décembre, la tiédeur de midi, le grésillement du narghilé et jusqu’aux sous qui sonnaient dans ma poche, devenaient les éléments d’une pièce où j’étais venu, à travers bien des obstacles, tenir mon rôle à temps. »
« Nous n’étions pas attablés depuis une heure que Kosta avait son instrument en bretelles et que le docteur accordait un violon. Près du dressoir où elle empilait les assiettes, la servante s’était mise à danser, gauchement d’abord, puis de plus en plus vite. Kosta tournait lentement autour de la table, ses doigts carrés volaient sur les touches. La tête penchée, il écoutait son clavier comme on écoute une source. »
« Le tenancier de la tchaîkhane de Saraï use d’une publicité sans détour : un tronc en travers de la route. On s’arrête – il le faut bien – on aperçoit alors sous l’auvent de feuilles sèches deux samovars qui fument entre les guirlandes d’oignons, les théières décorées de roses alignées sur le brasero, et on rejoint à l’intérieur quelques autres victimes du tronc qui vous accordent un instant d’attention courtoise et reprennent aussitôt leur sieste, leur jeu d’échecs, leur repas. […] Quant à ce tronc, qui ne laisse aucune place à l’irrésolution, c’est le bon sens même. Comment résister à la cocasserie de procédés pareils ? Nous étions même prêts à payer le prix fort. Mais il n’en est pas question : le thé est bouillant, le melon à point, l’addition modique ; et le moment du départ venu, le patron se lève et déplace obligeamment sa solive. »
« L’étendue de montagnes, le ciel clair de décembre, la tiédeur de midi, le grésillement du narghilé et jusqu’aux sous qui sonnaient dans ma poche, devenaient les éléments d’une pièce où j’étais venu, à travers bien des obstacles, tenir mon rôle à temps. »
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