Du motif du licenciement
Le principal argument que nous ont servi les défenseurs du défunt CPE et que nous servent les mêmes au sujet du CNE, c’est la nécessaire simplification des procédures de licenciements pour augmenter les embauches, leitmotiv médéfien par excellence. J’ai déjà indiqué qu’il n’y avait pas de lien de cause à effet entre une faible protection des salariés et un bas niveau de chômage. De plus, Bruno Labatut-Couairon, inspecteur du travail, nous explique à quel point licencier est déjà très simple : une lettre, un entretien, une autre lettre, et le tour est joué. C’est à la portée du premier crétin venu, encore faut-il avoir une raison légitime de la faire. Personne ne vire quelqu’un sans raison. Alors pourquoi cacher cette raison ? Licencier sans fournir de motif c’est licencier pour un mauvais motif. Et le simple fait de pouvoir le faire offre aux employeurs un moyen de pression singulièrement contraignant envers leurs employés. En effet, cela permet à un patron peu scrupuleux de passer outre le droit du travail et par exemple d’imposer des heures supplémentaires non payées ou de ne pas respecter les normes de sécurité ; en bref, de se conduire comme une ordure. Il est évident que, malgré la faiblesse intrinsèque des hommes devant l’utilisation du pouvoir (et ses abus potentiels), l’immense majorité des patrons saura se draper de toutes ses vertus afin de ne pas céder à la tentation. Toutefois cette simple éventualité tire vers le bas les conditions de travail de l’ensemble des salariés puisqu’un employeur respectueux de la loi et de ses employés prendrait le risque d’être mis en difficulté par des concurrents moins loyaux. C’est donc, par un effet de dumping, le principe de la moindre protection sociale qui deviendra la norme.
On nous affirme que, pour se permettre d’embaucher, le patron doit se sentir libre de pouvoir licencier à sa convenance. Il est parfaitement concevable que certains d’entre eux puissent avoir un blocage psychologique au moment d’embaucher, mais est-ce une raison suffisante pour se permettre de jouer avec la vie des autres ? On peut comprendre les réticences de certains employeurs devant le risque de se retrouver en difficulté en cas de pertes de marché, de diminution des commandes, et à cet égard un arrêt de la cour de cassation du 11 janvier 2006 doit les rassurer, mais, pour autant, est-il légitime de faire porter par les salariés les risques courus par l’entreprise et ses dirigeants alors que les employés n’ont aucun moyen de contrôle sur ces risques, ni n’en retirent aucun avantage lorsque l’entreprise est bénéficiaire ? Les néo-libéraux nous répondront certainement que oui, mais ils sont bien les seuls à poser pour principe que dans un poulailler les poules sont aussi libre que le renard.
1 commentaires :
Encore un article bien fait, ça rassure, comme à lire le monolecte, je suis bien d'accord avec toi, et je pense qu'il faut continuer à faire ce travail de décryptage et d'explication, car les médias eux, continuent à faire leur travail de "casse" au sujet de cette france soit-disant réac et passéiste et non adaptée aux réalités du marché ...
Par coco_des_bois,à 15/5/06 14:33
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