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Le caillou dans la chaussure

27 mars 2009

Gagner plus pour gagner plus

Les frères ennemis du gouvernement et du Medef se renvoient la patate chaude afin d’éviter d’avoir à trancher sur le sujet de la rémunération des dirigeants d’entreprises. Pourtant il ne s’agit pas encore de trancher des têtes. Simplement de décider d’agir. Mais nul ne veut se fâcher avec ses amis malgré la sempiternelle répétition des scandales et leur caractère d’autant plus choquant que chacun se prépare à devoir faire, pour le moins, quelques sacrifices en ces temps annoncés difficiles. Enfin, quand je dis chacun, ça ne concerne quand même pas tout le monde. Certains continuent bel et bien à se gaver allègrement.
Le gouvernement préfère ultimatomiser plutôt qu’agir. Le Medef, lui, botte en touche, se prévalant d’un code éthique (AFEP/Medef) déjà mis en place depuis octobre 2008 et déjà spectaculairement inefficace. Dans un courrier adressé à Christine Lagarde et Brice Hortefeux, la matronne des patrons semble ne pas comprendre ce qu’on lui reproche, ni sur le fond, ni dans l’étendue du problème. « Faire une loi sur quoi ? », interroge-t-elle.
J’aurais bien envie de lui suggérer quelques pistes qui pourraient être reprises par les députés ou le gouvernement mais je crains qu’on ne me prenne pour un délirant estrémisse. On pourrait, par exemple, limiter la plus forte rémunération au sein d’une entreprise à cinq fois la plus faible. Au-delà de cette limite, le revenu serait taxé à 100% et permettrait, au vu de la voracité de certains patrons, de renflouer les caisses de l’Etat. Rien n’interdirait à un dirigeant de recevoir un salaire exorbitant, à condition que l’écart avec celui de ses employés ne dépasse pas cette limite de 1 à 5. Afin d’éviter le contournement par les stocks options, on pourrait avoir à les évaluer sur la feuille d’impôt. En voici un audacieux programme de redistribution où le partage ne consiste pas à prendre la Rolex pour soit et à donner l’heure aux autres.
Mais que nos amis patrons se rassurent, rien de tel n’arrivera jamais sous un gouvernement de tribord (et j’inclus le spectral P«S» dans cette droite). En dépit des rodomontades du bon roi Dagobert et des soi-disant menaces de son conseiller, le tout aussi bon Saint-Eloi, s’il s’avère qu’un décret est réellement pris pour contraindre les dirigeants d’entreprises, il sera forcément limité quant à son champ d’application (du genre à ne concerner que les entreprises ayant reçu des aides publiques et perdant de l’argent et dont l’âge du capitaine…) et aisément contournable. Il ne faut pas perdre de vue qu’il ne s’agit là que d’afficher la fausse bonne volonté du vertueux gouvernement face à l’éventuelle ignominie des patrons sans morale. Pourtant le gouvernement ne leur demande que d’attendre, de patienter, de reporter. Il ne souhaite nullement limiter leur rémunération pour du vrai, mais seulement ne pas pâtir de l’effet mobilisateur de leur avidité décomplexée. Mais, même en cela, il se heurte à l’arrogance d’une partie d’entre eux qui semble sans limites.
Il est plus que temps de reprendre du poil de la bête, de reconquérir le terrain perdu et de recomplexer la droite et le patronat.