Chômeur, voleur, le peuple aura ta peau
« Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » Confucius.
Dans notre beau pays a l’union nationale retrouvée, lorsque le grand Sachem pointe du doigt, personne ne voit la lune. Et surtout pas les journalistes, ni l’opposition. Certes quelques associations, quelques blogueurs ou autres voix dissonantes tentent de hausser le ton mais ils restent inaudibles dans l’enthousiascophonie ambiante.
Notre omniprésident a annoncé la semaine dernière le lancement d’un « gigantesque plan de lutte contre la fraude. » Il parlait de la fraude à l’assurance chômage. Le voilà ainsi certain de s’attirer la sympathie de tous ceux (et ils sont nombreux) qui se lèvent tôt et en ont assez de payer pour des fainéants et des tricheurs. Mais comme il se trouve que, même s’il m'arrive de me lever tôt, je suis de tout cœur avec les couche-tard, je me suis posé quelques questions. Car enfin, qu’a-t-on fait jusqu’à ce jour ? Aurait-on laissé les tricheurs se remplir les fouilles en tournant le regard de l’autre côté ?
J’en doute. C’est pourquoi, afin d’essayer de mieux appréhender la situation, je vais vous faire manger quelques chiffres. Je sais je ne suis pas pheune mais c’est pour la bonne cause.
En 2006, l’UNEDIC a engagé 29.436 procédures civiles et 788 procédures pénales. Sur ces dernières, elle a obtenu 342 condamnations dont 140 avec des peines de prison (ferme ou avec sursis). L’ensemble des condamnations s’est élevé à 41 millions d’euros. L’UNEDIC elle-même estime le préjudice qu’elle a subi à 140 millions d’euros sur plusieurs années. C’est considérable. Voilà de l’argent qui serait mieux dans la poche des chômeurs. Mais même, si l’on prenait ce chiffre (140 millions d’euros) pour la seule année 2006, il faut savoir qu’il représente 0,61 % des allocations versées par les ASSEDIC.
Diantre ! 0,61 % ! Voilà bien de quoi justifier un gigantesque plan de lutte lancé par le grand Sachem himself.
On pourrait penser qu’il estime que la lutte a jusque-là été menée sans détermination ou sans efficacité. Mais non, même pas. On comprend mieux lorsqu’il nous explique qu’ « il n’est pas normal quand on est au chômage, qu’on refuse un emploi qui correspond à votre qualification, parce que ce sont les autres qui paient. » C’est clair : il s’agit donc de faire augmenter la fraude en y incluant quelque chose qui, jusque-là, n’en faisait pas partie, afin de mieux le stigmatiser.
Alors, les autres paient, c’est sûr. Mais ce ne sont pas les seuls. Le chômeur aussi a été un travailleur. Et lui aussi a payé, pour lui comme pour les autres. Et puis, que signifie refuser un boulot correspondant à sa qualification ? Quand on connaît la durée (23 mois) des allocations chômage et leur montant (57 % du salaire brut), il faudrait être vraiment idiot pour refuser un emploi intéressant, bien payé et pas loin de chez soi. Sauf à croire que le même type d’offre peut vous revenir le lendemain. Mais chacun sait bien comme cela est peu probable. Seulement voilà : peut-être que le boulot est à 150 km de chez le demandeur d’emploi ? Peut-être que le salaire proposé est la moitié de celui qui était le sien avant, c’est-à-dire encore moins que ses allocations ? Peut-être que les conditions de travail sont tellement pénibles ou indignes que l’offre est non pourvue depuis des années sauf pour de courtes périodes par de pauvres bougres prêts à tout pour survivre mais qui lâchent ensuite l’affaire lorsqu’ils réalisent dans quel traquenard ils sont tombés ? Parce qu’au fond, c’est quoi un chômeur ? C’est quelqu’un qui a besoin d’un salaire pour vivre et bien souvent pour faire vivre sa famille. C’est quelqu’un qui, d’une manière générale, n’a pas vraiment le choix et ne peut se permettre de refuser une offre qu’il sait rare et intéressante. On peut donc raisonnablement penser que cette stratégie de notre omniprésident veut criminaliser les chômeurs pour mieux leur faire accepter des boulots pourris, payés une misère dans des conditions indignes.
Et si vouloir essayer de trouver le meilleur emploi possible c’est être profiteur, comment doit-on appeler ceux qui fraudent l’administration fiscale (par exemple), qui sont autrement plus nombreux et qui trichent pour des sommes sans commune mesure ? N’y aurait-il pas là matière à un plan gigantesque ?
Rappelons que selon un très officiel rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires, la fraude fiscale et sociale est estimée entre 29 et 40 milliards d’euros par an, qu’elle est constituée aux deux tiers de fraudes aux impôts (la TVA arrive en tête mais est suivie de près par l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et les impôts locaux) et pour un tiers aux prélèvements sociaux (essentiellement le travail au noir). Ces 29 milliards d’euros annuels (au minimum) sont à rapprocher des 140 millions d’euros (sur plusieurs années) qui constituent la fraude aux allocations chômage. Et l’on ne pourra éviter de constater qu’il y a deux poids, deux mesures, avec d’un côté des riches prêts à tout pour conserver l’argent qu’ils estiment avoir si durement gagné et de l’autre des pauvres qui n’ont même pas été fichus de devenir riches en dépit de leurs perpétuelles tricheries. Alors bien évidemment, pour faire le moins d’insatisfaits possibles, on tape toujours sur les mêmes, accessoirement les plus faibles.
J’ajoute qu’à l’heure qu’il est, le gouvernement envisage de rendre imposable l’indemnité de licenciement. Après avoir offert 15 milliards d’euros de pactole fiscal aux plus riches (sous prétexte de relancer la machine économique), voilà une nouvelle mesure juste et équitable. Il ne manque plus qu’une pincée de dépénalisation du droit des affaires pour compléter le tableau.
Ainsi se révèle au grand jour le projet de société de notre grand Sachem, même pour ceux qui tentent obstinément de garder les yeux fermés.
Dans notre beau pays a l’union nationale retrouvée, lorsque le grand Sachem pointe du doigt, personne ne voit la lune. Et surtout pas les journalistes, ni l’opposition. Certes quelques associations, quelques blogueurs ou autres voix dissonantes tentent de hausser le ton mais ils restent inaudibles dans l’enthousiascophonie ambiante.
Notre omniprésident a annoncé la semaine dernière le lancement d’un « gigantesque plan de lutte contre la fraude. » Il parlait de la fraude à l’assurance chômage. Le voilà ainsi certain de s’attirer la sympathie de tous ceux (et ils sont nombreux) qui se lèvent tôt et en ont assez de payer pour des fainéants et des tricheurs. Mais comme il se trouve que, même s’il m'arrive de me lever tôt, je suis de tout cœur avec les couche-tard, je me suis posé quelques questions. Car enfin, qu’a-t-on fait jusqu’à ce jour ? Aurait-on laissé les tricheurs se remplir les fouilles en tournant le regard de l’autre côté ?
J’en doute. C’est pourquoi, afin d’essayer de mieux appréhender la situation, je vais vous faire manger quelques chiffres. Je sais je ne suis pas pheune mais c’est pour la bonne cause.
En 2006, l’UNEDIC a engagé 29.436 procédures civiles et 788 procédures pénales. Sur ces dernières, elle a obtenu 342 condamnations dont 140 avec des peines de prison (ferme ou avec sursis). L’ensemble des condamnations s’est élevé à 41 millions d’euros. L’UNEDIC elle-même estime le préjudice qu’elle a subi à 140 millions d’euros sur plusieurs années. C’est considérable. Voilà de l’argent qui serait mieux dans la poche des chômeurs. Mais même, si l’on prenait ce chiffre (140 millions d’euros) pour la seule année 2006, il faut savoir qu’il représente 0,61 % des allocations versées par les ASSEDIC.
Diantre ! 0,61 % ! Voilà bien de quoi justifier un gigantesque plan de lutte lancé par le grand Sachem himself.
On pourrait penser qu’il estime que la lutte a jusque-là été menée sans détermination ou sans efficacité. Mais non, même pas. On comprend mieux lorsqu’il nous explique qu’ « il n’est pas normal quand on est au chômage, qu’on refuse un emploi qui correspond à votre qualification, parce que ce sont les autres qui paient. » C’est clair : il s’agit donc de faire augmenter la fraude en y incluant quelque chose qui, jusque-là, n’en faisait pas partie, afin de mieux le stigmatiser.
Alors, les autres paient, c’est sûr. Mais ce ne sont pas les seuls. Le chômeur aussi a été un travailleur. Et lui aussi a payé, pour lui comme pour les autres. Et puis, que signifie refuser un boulot correspondant à sa qualification ? Quand on connaît la durée (23 mois) des allocations chômage et leur montant (57 % du salaire brut), il faudrait être vraiment idiot pour refuser un emploi intéressant, bien payé et pas loin de chez soi. Sauf à croire que le même type d’offre peut vous revenir le lendemain. Mais chacun sait bien comme cela est peu probable. Seulement voilà : peut-être que le boulot est à 150 km de chez le demandeur d’emploi ? Peut-être que le salaire proposé est la moitié de celui qui était le sien avant, c’est-à-dire encore moins que ses allocations ? Peut-être que les conditions de travail sont tellement pénibles ou indignes que l’offre est non pourvue depuis des années sauf pour de courtes périodes par de pauvres bougres prêts à tout pour survivre mais qui lâchent ensuite l’affaire lorsqu’ils réalisent dans quel traquenard ils sont tombés ? Parce qu’au fond, c’est quoi un chômeur ? C’est quelqu’un qui a besoin d’un salaire pour vivre et bien souvent pour faire vivre sa famille. C’est quelqu’un qui, d’une manière générale, n’a pas vraiment le choix et ne peut se permettre de refuser une offre qu’il sait rare et intéressante. On peut donc raisonnablement penser que cette stratégie de notre omniprésident veut criminaliser les chômeurs pour mieux leur faire accepter des boulots pourris, payés une misère dans des conditions indignes.
Et si vouloir essayer de trouver le meilleur emploi possible c’est être profiteur, comment doit-on appeler ceux qui fraudent l’administration fiscale (par exemple), qui sont autrement plus nombreux et qui trichent pour des sommes sans commune mesure ? N’y aurait-il pas là matière à un plan gigantesque ?
Rappelons que selon un très officiel rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires, la fraude fiscale et sociale est estimée entre 29 et 40 milliards d’euros par an, qu’elle est constituée aux deux tiers de fraudes aux impôts (la TVA arrive en tête mais est suivie de près par l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et les impôts locaux) et pour un tiers aux prélèvements sociaux (essentiellement le travail au noir). Ces 29 milliards d’euros annuels (au minimum) sont à rapprocher des 140 millions d’euros (sur plusieurs années) qui constituent la fraude aux allocations chômage. Et l’on ne pourra éviter de constater qu’il y a deux poids, deux mesures, avec d’un côté des riches prêts à tout pour conserver l’argent qu’ils estiment avoir si durement gagné et de l’autre des pauvres qui n’ont même pas été fichus de devenir riches en dépit de leurs perpétuelles tricheries. Alors bien évidemment, pour faire le moins d’insatisfaits possibles, on tape toujours sur les mêmes, accessoirement les plus faibles.
J’ajoute qu’à l’heure qu’il est, le gouvernement envisage de rendre imposable l’indemnité de licenciement. Après avoir offert 15 milliards d’euros de pactole fiscal aux plus riches (sous prétexte de relancer la machine économique), voilà une nouvelle mesure juste et équitable. Il ne manque plus qu’une pincée de dépénalisation du droit des affaires pour compléter le tableau.
Ainsi se révèle au grand jour le projet de société de notre grand Sachem, même pour ceux qui tentent obstinément de garder les yeux fermés.
7 commentaires :
En ce qui concerne la dépénalisation du droit des affaires, c'est en cours, rassurez-vous : M. Sarkozy de Nagy-Bocsa en a parlé lors d'une réunion du MEDEF
Sinon, excellent article.
Par Anonyme,à 18/9/07 13:49
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Par Anonyme,à 18/9/07 22:48
Cher anonyme, j'ai dû supprimer votre commentaire qui contenait, à mon avis, des propos susceptibles d'être considérés comme diffamatoires. Merci d'éviter ce genre de remarques en ce lieu à l'avenir.
Toutefois, comme le reste de votre message ne me dérangeait pas, le voici :
Pour être encore plus précis, la fraude aux allocations pour 2005 est de 21,5 millions de francs, soit un ratio de 0,035%.
Comparée aux 30/40 milliards de fraude sociale et fiscale, c'est peanuts !
Mais c'est "l'assisté forcément voleur" qui fait tripper la "France d'après"... pas le patron voyou ou le contribuable indélicat...
Les Français n'aiment les escrocs que s'ils sont DÉJA riches, ou flamboyants avec hôtel particulier et œuvres d'art, ou [...] ou exilés fiscaux en Suisse...
Par sol,à 19/9/07 09:11
qui vole un pain va en prison, qui vole des millions va au palais bourbon
Par Anonyme,à 19/9/07 10:46
Comme d'habitude on tape en permanence sur les patrons voyous mais on n'aime pas trop taper sur le peuple voyous. Les chomeurs professionnels et autre rmiste à vie (travaillent au noir).
Oui on n'aime pas car eux ils sont proches de nous. Les patrons voyous par contre sont dans une autre réalité que nous ne connaissons pas.
Je reve du jour où ce pays sortira de sa betise ignare et de sa crasse hypocrisie.
Par Anonyme,à 20/9/07 09:05
@ anonyme :
Vous dîtes : "Comme d'habitude on tape en permanence sur les patrons voyous mais on n'aime pas trop taper sur le peuple voyous."
Comme d'habitude ? Moi j'ai plutôt l'impression contraire. A part quelques voix inaudibles, bien rares sont ceux qui s'élèvent contre les malversations de ceux qui ont le pouvoir. Alors qu'en permanence les grands médias (tv, radios, journaux, magazines, ...) nous ressassent les abus des chômeurs, arnaqueurs, faux-rmistes. Ceux qui trichent sont condamnables, tous. Mais ceux qui trichent pour survivre ne commettent pas le même délit que ceux qui trichent pour s'enrichir.
Vous dîtes : "Je reve du jour où ce pays sortira de sa betise ignare et de sa crasse hypocrisie."
Il est facile de juger et de considérer les autres comme des imbéciles et des hypocrites. Il est moins facile d'argumenter et de débattre dans le respect des autres.
Pour le reste nous avons tous des rêves. Mais assurément ils ne sont pas identiques. Sans doute n'avons nous pas les mêmes valeurs.
Par sol,à 20/9/07 10:04
Je trouve que Sol et Anonyme ont raison tous les deux.
Je rejoins Sol quand il dit "Il est facile de juger et de considérer les autres comme des imbéciles et des hypocrites. Il est moins facile d'argumenter et de débattre dans le respect des autres."
Je rejoins Anonyme quand il dit "on n'aime pas trop taper sur le peuple voyou car eux ils sont proches de nous. Les patrons voyous par contre sont dans une autre réalité que nous ne connaissons pas." Pour le dire autrement, moralement voler 1 euro ou en voler 1 Milliard revient au même ; un excellent article d'il y a quatre ou six ans m'avait marqué. Il disait : "Les patrons qui utilisent les ressources de l'entreprise pour leur profit personnel ne sont pas plus (ou moins) dégueulasses que vous ... si vous téléphonez de votre travail à vos amis, volez bics, cahiers, utilisez internet, déposez de faux congés maladie, etc.. etc.." Donc condamnez de la même façon ces comportements, et agissez honnetement que vous soyez patron ou employé."
J'ajoute "et chômeur". OK il y a des chômeurs honnetes comme des patrons et employés honnetes, mais j'ai eu la malchance de rencontrer des chômeurs malhonnetes (plus intéressés par le RMI que par le travail).
Je conclus en disant que le seul patron que je connais parmi mes amis d'enfance a du cesser ses études à 14 ans, a travaillé 10 ans en usine avant de créer sa TPE. Il fait aujourd'hui travailler trois autres personnes. Alors arrêtons de taper sur les patrons ! Sol, créez donc votre entreprise.
Paul
Par Anonyme,à 20/10/07 08:41
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