Fort modeste proposition pour empêcher les pauvres d’être une charge pour eux-mêmes ou pour leur pays et pour les rendre utiles au public
En hommage à un magnifique texte de Jonathan Swift, voici une petite variation sur un même thème.
C’est un objet de tristesse, pour quiconque observe le monde tel qu’il est, d’y voir sans cesse le nombre de pauvres augmenter. De plus en plus nombreuses sont les personnes qui ne disposent pas du revenu nécessaire pour assurer leurs besoins élémentaires. Comment, en effet, ne pas avoir le cœur déchiré par la vue de ces enfants affamés, le ventre gonflé et l’œil triste, qui en sont réduits à mendier pour venir en aide à leur famille. Comment ne pas sentir concerné, voire responsable, quand, dans de nombreux lointains pays du tiers monde, mais aussi parfois à nos portes, tant de nécessiteux sont dépourvus au point de ne pouvoir se loger, se nourrir ou se maintenir en bonne santé.
Je pense que chacun s’accorde à reconnaître que cette situation est un poids pour l’ensemble de l’humanité et la cause de bien des maux dans ce monde. Les pauvres, dans leur immense majorité, sont incapables de s’en sortir tout seuls et de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. Ils forment une charge phénoménale pour la communauté qui, à travers ses administrations (états, régions, communes) tente tant bien que mal de leur venir en aide et de les sortir de leur impasse, mais n’y parvient que fort peu et fort mal, et fait preuve d’une indubitable inefficacité.
Tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce bon vieux Plangloss se trompait. Même si, au fond, il n’était sans doute pas si loin de la vérité. En effet, tout pourrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes. Comme souvent et dans bien des domaines, il suffirait de presque rien. Si par quelque heureux hasard, un individu se présentait avec une solution simple et équitable qui permette à tous ces gueux de ne plus tenter de survivre aux crochets des autres mais de pouvoir enfin s’intégrer dignement dans ce monde, par ailleurs si harmonieux et plaisant, pour le plus grand profit de la communauté des hommes, alors cet individu sans nul doute mériterait bien la reconnaissance de tous pour son acte de bienfaisance.
Mais mon intention n’est pas, loin de là, de m’en tenir aux seuls pauvres avérés ; mon projet se conçoit à une bien plus vaste échelle et se propose d’englober la population tout entière de notre planète.
Pour ma part, j’ai consacré beaucoup de temps à réfléchir à ce sujet capital, à examiner avec attention tout ce que les autres penseurs ont bien voulu imaginer, mais j’y ai toujours trouvé plus d’inconvénients que d’avantages. Mon projet se propose de rendre enfin les pauvres utiles à la société. Ils bénéficieront ainsi autant que faire se peut d’une vie décente et surtout de la reconnaissance de tous. Ils abandonneront leur statut de perpétuels assistés, voire de sous-hommes, pour contribuer à l’élan général de prospérité.
J’en viens donc à exposer humblement mes idées avec le secret espoir qu’elles rallient une majorité de mes contemporains et la quasi certitude que nul, à l’exception peut-être de quelques esprits chagrins, n’y trouvera matière à objections. L’idée est fort simple et parfaitement logique, tellement simple que je me demande encore comment il est possible qu’elle ne soit pas déjà en application. Les pauvres étant, de toute évidence, inadaptés au monde dans lequel ils évoluent, et toutes les tentatives, certes louables, mais ô combien déficientes, de transformer l’état du monde pour l’améliorer ayant totalement échoué, et même parfois largement empiré la situation, mon avis est qu’il est préférable, au contraire, d’adapter les pauvres au monde tel qu’il est.
Pour cela, il suffit d’appliquer la technique de la gestion d’entreprise à cette entité qu’est à la famille. Celle-ci devra être déclarée auprès de l’administration responsable et les parents auront obligation de la gérer à la manière d’un patron avec son entreprise. Faisons de chacun l’entrepreneur de lui-même et des siens et le monde sera meilleur. Chaque famille sera donc en devoir d’établir un budget prévisionnel puis en temps voulu de rédiger son bilan. Pour pouvoir continuer son activité en toute indépendance, ce bilan devra bien évidemment afficher au minimum un équilibre des comptes, à défaut de profit. C’est une chose qui ne devrait pas poser de problème pour les riches, ni pour l’essentiel de ce que l’on nomme communément la classe moyenne. Cependant, il est fort probable que nombre de familles pauvres éprouveront les pires difficultés pour y parvenir. L’on obtiendra ainsi un excellent moyen de contrôle social en imposant aux familles déficitaires d’être placées en liquidation. Lors de cette phase, une autorité judiciaire, sur le modèle de ce qui se passe pour une entreprise, procèdera au contrôle des comptes, à l’évaluation d’éventuels actifs et si nécessaire à la mise en vente de la famille en vue de son rachat par une autre famille plus aisée.
Car voilà en effet un des points cruciaux de cette modeste proposition. Il ne faut à aucun moment perdre de vue que si le nombre des pauvres est en constante augmentation, paradoxalement, il n’est pas le seul. Celui des riches aussi est toujours plus important et, de plus, ceux-ci sont, en outre, de plus en plus riches. Ceci doit nous fournir une capacité d’investissement dans la pauvreté phénoménale. Et nul ne peut douter des qualités de gestionnaire des riches, ni de leur dynamisme. Après tout, l’on ne devient point fortuné par hasard. Efficaces et parfaitement adaptés au monde qui les entoure, ils sauront mieux que quiconque employer leurs capacités afin de gérer leurs pauvres de manière rentable. Il n’est, en effet, pas question de fonctionner à perte, ni non plus d’utiliser les profits des uns pour couvrir les pertes des autres. Ce dont il s’agit c’est soit de rapporter plus, soit de dépenser moins, afin d’en tirer une situation profitable à tous. Chacun doit bien comprendre que notre objectif est le très moderne gagnant-gagnant, le principal bénéfice des pauvres étant le soulagement induit par la perte de responsabilité que lui vaudra sa subordination.
C’est la raison pour laquelle tout pauvre (ou famille de pauvres) qui ne serait pas rentable et ne trouverait personne de plus fortuné que lui pour investir sur sa personne se verrait contraint de se soumettre aux services de l’Agence de Traitement de la Pauvreté et de l’Inadaptation. La charge de cet organisme sera de définir pour chaque cas le mode opératoire le plus optimisé en vue de son exploitation au bénéfice de la communauté des hommes ou bien de son élimination pure et simple. Le corps humain, même dépourvu de toute efficacité active, peut demeurer fort utile dans de nombreux domaines tels que la recherche scientifique ou l’alimentation des animaux d’élevage. Il peut aussi servir de base à la fabrication de certains produits sanitaires ou d’engrais fort appréciés dans l’agriculture moderne. Sur ce point je fais aveuglément confiance à la fabuleuse capacité d’exploration de la communauté scientifique pour imaginer mille manières différentes d’exploiter cette nouvelle matière première.
J’ajoute que l’Agence de Traitement de la Pauvreté et de l’Inadaptation pourra aussi se charger des tous les cas voisins de la pauvreté qui placent de trop nombreux individus en marge de notre société et sera ainsi en mesure de les faire passer de charge à produit pour le plus grand bien de tous. Parmi tous ces inaptes, il convient de traiter en priorité les handicapés, les malades trop affaiblis ou condamnés, en particulier ceux qui ont déjà perdu l’essentiel de leurs capacités physiques, mais aussi tous les inadaptés sociaux, tous les rebuts de la société qui, par fainéantise ou lassitude, refusent de se lever tôt chaque jour pour accomplir leur peine et gagner leur pitance.
Ainsi, en appliquant, en quelque sorte de notre plein gré, la théorie de l’évolution de Darwin, nous serons en mesure d’améliorer l’espèce humaine et de la rendre plus efficace. Et si quelques-uns doivent payer leur tribut en étant sacrifiés sur l’autel du bienfait de l’humanité, ils recevront en retour la gratitude et la reconnaissance de tous pour l’éternité. En éliminant les surplus d’inadaptés, la grande famille des hommes gagnera en puissance pour conserver et même bonifier son niveau de vie, et ce en dépit des limites physiques de notre planète.
D’un cœur sincère, j’affirme n’avoir pas le moindre intérêt personnel à tenter de promouvoir cette œuvre nécessaire. Du plus profond de mon âme, je ne désire que le bien de tous à travers l’harmonie d’une humanité meilleure dans un monde meilleur.
C’est un objet de tristesse, pour quiconque observe le monde tel qu’il est, d’y voir sans cesse le nombre de pauvres augmenter. De plus en plus nombreuses sont les personnes qui ne disposent pas du revenu nécessaire pour assurer leurs besoins élémentaires. Comment, en effet, ne pas avoir le cœur déchiré par la vue de ces enfants affamés, le ventre gonflé et l’œil triste, qui en sont réduits à mendier pour venir en aide à leur famille. Comment ne pas sentir concerné, voire responsable, quand, dans de nombreux lointains pays du tiers monde, mais aussi parfois à nos portes, tant de nécessiteux sont dépourvus au point de ne pouvoir se loger, se nourrir ou se maintenir en bonne santé.
Je pense que chacun s’accorde à reconnaître que cette situation est un poids pour l’ensemble de l’humanité et la cause de bien des maux dans ce monde. Les pauvres, dans leur immense majorité, sont incapables de s’en sortir tout seuls et de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. Ils forment une charge phénoménale pour la communauté qui, à travers ses administrations (états, régions, communes) tente tant bien que mal de leur venir en aide et de les sortir de leur impasse, mais n’y parvient que fort peu et fort mal, et fait preuve d’une indubitable inefficacité.
Tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce bon vieux Plangloss se trompait. Même si, au fond, il n’était sans doute pas si loin de la vérité. En effet, tout pourrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes. Comme souvent et dans bien des domaines, il suffirait de presque rien. Si par quelque heureux hasard, un individu se présentait avec une solution simple et équitable qui permette à tous ces gueux de ne plus tenter de survivre aux crochets des autres mais de pouvoir enfin s’intégrer dignement dans ce monde, par ailleurs si harmonieux et plaisant, pour le plus grand profit de la communauté des hommes, alors cet individu sans nul doute mériterait bien la reconnaissance de tous pour son acte de bienfaisance.
Mais mon intention n’est pas, loin de là, de m’en tenir aux seuls pauvres avérés ; mon projet se conçoit à une bien plus vaste échelle et se propose d’englober la population tout entière de notre planète.
Pour ma part, j’ai consacré beaucoup de temps à réfléchir à ce sujet capital, à examiner avec attention tout ce que les autres penseurs ont bien voulu imaginer, mais j’y ai toujours trouvé plus d’inconvénients que d’avantages. Mon projet se propose de rendre enfin les pauvres utiles à la société. Ils bénéficieront ainsi autant que faire se peut d’une vie décente et surtout de la reconnaissance de tous. Ils abandonneront leur statut de perpétuels assistés, voire de sous-hommes, pour contribuer à l’élan général de prospérité.
J’en viens donc à exposer humblement mes idées avec le secret espoir qu’elles rallient une majorité de mes contemporains et la quasi certitude que nul, à l’exception peut-être de quelques esprits chagrins, n’y trouvera matière à objections. L’idée est fort simple et parfaitement logique, tellement simple que je me demande encore comment il est possible qu’elle ne soit pas déjà en application. Les pauvres étant, de toute évidence, inadaptés au monde dans lequel ils évoluent, et toutes les tentatives, certes louables, mais ô combien déficientes, de transformer l’état du monde pour l’améliorer ayant totalement échoué, et même parfois largement empiré la situation, mon avis est qu’il est préférable, au contraire, d’adapter les pauvres au monde tel qu’il est.
Pour cela, il suffit d’appliquer la technique de la gestion d’entreprise à cette entité qu’est à la famille. Celle-ci devra être déclarée auprès de l’administration responsable et les parents auront obligation de la gérer à la manière d’un patron avec son entreprise. Faisons de chacun l’entrepreneur de lui-même et des siens et le monde sera meilleur. Chaque famille sera donc en devoir d’établir un budget prévisionnel puis en temps voulu de rédiger son bilan. Pour pouvoir continuer son activité en toute indépendance, ce bilan devra bien évidemment afficher au minimum un équilibre des comptes, à défaut de profit. C’est une chose qui ne devrait pas poser de problème pour les riches, ni pour l’essentiel de ce que l’on nomme communément la classe moyenne. Cependant, il est fort probable que nombre de familles pauvres éprouveront les pires difficultés pour y parvenir. L’on obtiendra ainsi un excellent moyen de contrôle social en imposant aux familles déficitaires d’être placées en liquidation. Lors de cette phase, une autorité judiciaire, sur le modèle de ce qui se passe pour une entreprise, procèdera au contrôle des comptes, à l’évaluation d’éventuels actifs et si nécessaire à la mise en vente de la famille en vue de son rachat par une autre famille plus aisée.
Car voilà en effet un des points cruciaux de cette modeste proposition. Il ne faut à aucun moment perdre de vue que si le nombre des pauvres est en constante augmentation, paradoxalement, il n’est pas le seul. Celui des riches aussi est toujours plus important et, de plus, ceux-ci sont, en outre, de plus en plus riches. Ceci doit nous fournir une capacité d’investissement dans la pauvreté phénoménale. Et nul ne peut douter des qualités de gestionnaire des riches, ni de leur dynamisme. Après tout, l’on ne devient point fortuné par hasard. Efficaces et parfaitement adaptés au monde qui les entoure, ils sauront mieux que quiconque employer leurs capacités afin de gérer leurs pauvres de manière rentable. Il n’est, en effet, pas question de fonctionner à perte, ni non plus d’utiliser les profits des uns pour couvrir les pertes des autres. Ce dont il s’agit c’est soit de rapporter plus, soit de dépenser moins, afin d’en tirer une situation profitable à tous. Chacun doit bien comprendre que notre objectif est le très moderne gagnant-gagnant, le principal bénéfice des pauvres étant le soulagement induit par la perte de responsabilité que lui vaudra sa subordination.
C’est la raison pour laquelle tout pauvre (ou famille de pauvres) qui ne serait pas rentable et ne trouverait personne de plus fortuné que lui pour investir sur sa personne se verrait contraint de se soumettre aux services de l’Agence de Traitement de la Pauvreté et de l’Inadaptation. La charge de cet organisme sera de définir pour chaque cas le mode opératoire le plus optimisé en vue de son exploitation au bénéfice de la communauté des hommes ou bien de son élimination pure et simple. Le corps humain, même dépourvu de toute efficacité active, peut demeurer fort utile dans de nombreux domaines tels que la recherche scientifique ou l’alimentation des animaux d’élevage. Il peut aussi servir de base à la fabrication de certains produits sanitaires ou d’engrais fort appréciés dans l’agriculture moderne. Sur ce point je fais aveuglément confiance à la fabuleuse capacité d’exploration de la communauté scientifique pour imaginer mille manières différentes d’exploiter cette nouvelle matière première.
J’ajoute que l’Agence de Traitement de la Pauvreté et de l’Inadaptation pourra aussi se charger des tous les cas voisins de la pauvreté qui placent de trop nombreux individus en marge de notre société et sera ainsi en mesure de les faire passer de charge à produit pour le plus grand bien de tous. Parmi tous ces inaptes, il convient de traiter en priorité les handicapés, les malades trop affaiblis ou condamnés, en particulier ceux qui ont déjà perdu l’essentiel de leurs capacités physiques, mais aussi tous les inadaptés sociaux, tous les rebuts de la société qui, par fainéantise ou lassitude, refusent de se lever tôt chaque jour pour accomplir leur peine et gagner leur pitance.
Ainsi, en appliquant, en quelque sorte de notre plein gré, la théorie de l’évolution de Darwin, nous serons en mesure d’améliorer l’espèce humaine et de la rendre plus efficace. Et si quelques-uns doivent payer leur tribut en étant sacrifiés sur l’autel du bienfait de l’humanité, ils recevront en retour la gratitude et la reconnaissance de tous pour l’éternité. En éliminant les surplus d’inadaptés, la grande famille des hommes gagnera en puissance pour conserver et même bonifier son niveau de vie, et ce en dépit des limites physiques de notre planète.
D’un cœur sincère, j’affirme n’avoir pas le moindre intérêt personnel à tenter de promouvoir cette œuvre nécessaire. Du plus profond de mon âme, je ne désire que le bien de tous à travers l’harmonie d’une humanité meilleure dans un monde meilleur.
2 commentaires :
Depuis l'incontournable livre de Vivianne Forrester "L'Horreur économique" on n'a pas écrit de texte plus clairvoyant et plus percutant sur l'idéologie du régime qui nous gouverne....
Par Anonyme,à 29/11/07 22:15
Merci pour le compliment. :-)
Par sol,à 30/11/07 09:10
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