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Le caillou dans la chaussure

22 mars 2006

Les poings dans les poches serrés

L’entreprise n’aime pas le marché. L’entreprise, ce qu’elle aime, c’est le profit. Le marché, elle peut s’en accommoder. C’est, pour elle, une sorte de moindre mal. Un peu comme la démocratie.
Tous les syndicats patronaux prônent le libre-échange mais les entreprises sont les premières à tricher avec la concurrence libre et non faussée. Il arrive qu’elles s’entendent entre concurrents pour verrouiller un marché en maintenant un prix de vente élevé au détriment des consommateurs. Parfois, elles abusent de leur position dominante pour racheter (et même fermer) leurs concurrents afin de faire disparaître des produits compétitifs. Certaines utilisent des dessous de table pour obtenir l’attribution de marchés publics. Nombreuses aussi sont celles qui requièrent de l’Etat ou d’autres établissements publics des faveurs telles que des réductions de charges, des cadeaux fiscaux, des aides à l’installation ou à l’aménagement des infrastructures, etc.
Les entreprises n’aiment réellement le marché que lorsqu’elles y sont en position de force et peuvent donc y exercer leurs fonctions prédatrices en toute sauvagerie. C’est le cas avec le très particulier marché du travail. Il est particulier parce que la marchandise est aussi un moyen de subsistance, mais dans une conjoncture de chômage élevé, il l’est d’ailleurs doublement, puisque les entreprises n’y sont pas en concurrence entre elles. En effet, l’offre y étant supérieure à la demande (et l’action du gouvernement n’est pas faite pour y changer quelque chose, ce serait contre-productif), ce sont les chômeurs et les salariés qui sont concurrents les uns des autres. Les entreprises, consommatrices de main d’œuvre, ont donc fait le nécessaire auprès de leurs alliés au pouvoir afin d’exploiter positivement la situation en modifiant le rapport de force dans un sens qui leur est encore plus favorable. Mais cette fois, il y a eu rébellion.
Quelles sont les perspectives ? Si le gouvernement reste inflexible et que le mouvement de résistance s’essouffle, Dominique de Villepin aura gagné son pari, mais surtout, l’instauration du CPE n’aura été qu’une première porte à enfoncer pour ouvrir la voie à la démolition du droit du travail. Si les opposants au CPE restent mobilisés et que le premier ministre recule, le paysage restera inchangé et, pour quelques temps au moins, aucun gouvernement ne se risquera plus dans une réforme impopulaire. Mais une troisième éventualité tend à paraître de plus en plus envisageable. En effet, si le pouvoir ne cède pas et que la résistance ne faiblit pas, cette dernière pourrait bien attirer de plus en plus de monde. Et ce devrait être alors le moment pour relancer la réflexion et essayer d’étendre le mouvement vers de plus larges revendications, pour retrouver, ensemble, l’envie de rêver d’un monde où apporter des solutions ne serait pas seulement répandre la misère, et se lancer avec enthousiasme, fermeté et courage dans une tentative de reconquête de notre avenir.

10 mars 2006

CNE, CPE : deux poids, deux mesures

Il y a quelques mois, le gouvernement prend la température. Il met en place le CNE, équivalent du CPE mais destiné aux entreprises de moins de vingt salariés. Peu de voix s’élèvent contre ce nouveau contrat. Et quand un syndicat (ou un autre) proteste, voire même saisit le Conseil Constitutionnel, bien rares sont les relais médiatiques de ces objections. Les salariés concernés, dociles par nécessité, encaissent le coup en silence. Le gouvernement s’enhardit alors et étend, avec le CPE, le dispositif à une autre catégorie de personnes. Les étudiants, concernés au premier chef, moins malléables et plus rebelles, se rebiffent avec une fougue suffisante pour s’attirer le soutien des organisations syndicales et des partis de gauche. La contestation peut alors s’exprimer dans les médias et s’étendre jusque dans les rangs de l’UMP. La bataille est capitale lorsque l’on ne perd pas de vue le projet du gouvernement de parvenir à éliminer le CDI en créant un contrat unique reprenant les principales dispositions du CNE/CPE. C’est pourquoi l’on ne peut que regretter la trop grande passivité des syndicats et des partis de gauche lors de la mise en place du CNE alors qu’ils sont maintenant si enclins à embrasser et relayer une cause devenue clairement populaire avec le CPE. De deux choses l’une : soit les salariés des petites entreprises valent moins que les jeunes, soit ces organisations sont devenues trop frileuses pour jouer le rôle de moteur qui devrait être le leur dans la contestation de l’action du gouvernement et la défense des salariés. Je retiens, évidemment, la seconde hypothèse à laquelle je me vois contrains de préciser que lorsque l’opportunisme cynique de leurs dirigeants devient si manifeste, il ne leurre, espérons-le, plus grand monde.