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Le caillou dans la chaussure

28 septembre 2005

Quelques observations sur le procès Milosevic

Le TPIY (Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie) serait-il en train de discréditer l’idée de justice internationale. Rien n’est moins sûr. A condition toutefois que le mise en œuvre et le fonctionnement de la CPI (Cour Pénale Internationale) soit fondamentalement différent de ce qui existe à La Haye.
Alors que ce tribunal a été mis en place pour juger tous les crimes commis lors des divers affrontements en ex-Yougoslavie, la procureure générale Carla Del Ponte refuse obstinément d’enquêter, malgré le dépôt d’une plainte, sur les éventuels crimes de guerre commis par l’Otan lors de la campagne de bombardements de 1999 sur la Serbie (et ce, malgré l’avis émis par Amnesty International[1]).
La même procureure, ayant toutes les peines du monde à démontrer son accusation de génocide envers Slobodan Milosevic, a même décidé d’étendre les faits jugés, initialement limités au Kosovo, aux événements de Bosnie dans l’espoir d’y trouver de quoi étayer son plaidoyer. Les « tueries au Kosovo étaient loin de correspondre à ce qu’elle pouvait présenter comme un génocide »[2]. Carla Del Ponte avait reconnu le 22 novembre 2000 devant le Conseil de Sécurité des Nations-Unies que ses médecins légistes, cherchant des preuves contre Milosevic, avaient exhumé au total 3685 morts au Kosovo (sans précision toutefois de la proportion de Serbes, d’Albanais, et autres). D’autre part le TPIY lui-même y chiffre le nombre de disparus à 4266[3]. Que ces morts et ces disparus soient de trop, quel que soit leur nombre réel, que des barbaries et des atrocités aient été commises, nul ne le conteste. Mais lorsque l’on sait que la population du Kosovo avant l’intervention de l’Otan en 1999 comptait environ 1.800.000 Albanais et 200.000 Serbes et qu’un génocide se définit[4] comme l’extermination systématique d’un groupe humain, national, ethnique ou religieux, comment peut-on sérieusement employer ce terme pour qualifier les événements qui se sont déroulés au Kosovo. On oublie maintenant trop souvent que les gouvernements et les médias occidentaux avaient promis que l’on découvrirait bien pire que tout ce que l’on pouvait imaginer et que les chiffres les plus fantaisistes (plusieurs dizaines de milliers de morts, plusieurs centaines de milliers de disparus)[5] nous étaient assénés impitoyablement afin de rendre indispensable une intervention humanitaire de l’Otan. Le sensationnel ayant dorénavant quitté la région des Balkans, on ne nous parlera que très succinctement, voire pas du tout, des observations et recensements effectués sur le terrain depuis la fin des combats.
Le TPIY, mis en difficulté dès le début du procès par un Milosevic combatif assurant lui même sa défense, a décidé de lui commettre d’office des avocats dans le but de le réduire au silence.[6][7] En effet, la pertinence de la défense de l’accusé a anéanti les accusations de plusieurs témoins. Mahmut Bakalli, qui fut le premier témoin à charge, s’est trouvé fragilisé lorsque Milosevic lui a rappelé qu’en 1981, alors qu’il était chef de la province du Kosovo en 1981, il « avait eu recours aux tanks pour écraser les manifestations de jeunes Kosovars réclamant un statut de république.»[8] Ratomir Tanic (que l’on présentait comme un intime de Milosevic), semble avoir menti selon les archives du Parti de la Nouvelle Démocratie (ND) auquel il affirmait avoir appartenu alors qu’elles prouvent le contraire, remettant ainsi en cause son témoignage sur les rencontres entre l’accusé et les dirigeants de ND.[9] Bilall Avdiu, témoin de mutilations pratiquées par les policiers serbes, semble aussi avoir menti selon les examens scientifiques. [9] Renaud de la Brosse, présenté comme un expert et devant témoigner de la propagande dans les médias serbes, a évoqué « les milliers de cadavres gisant dans les rues » de Zvornik, mais il a été contredit par le témoin de l'accusation arrivé à la barre après lui, un témoin secret portant le nom de code B-1775, entrepreneur de pompes funèbres dans cette même ville, qui rapporte n’avoir trouvé que 50 cadavres.[9] Pour sa part, Radomir Markovic, ancien chef des services secrets serbes, a révélé avoir été soumis à des pressions par les autorités serbes afin de le pousser à témoigner contre l’accusé.[10]
D’autres témoignages sont venus réfuter les arguments de l’accusation comme, par exemple, celui de Vojislav Seselj soutenant que son parti, le « Parti Radical serbe était le seul à prôner la Grande Serbie et que Milosevic et son Parti Socialiste s’y étaient toujours opposés. »[11] Divers officiers et fonctionnaires serbes ont fourni des documents prouvant que « Milosevic n’avait ni planifié, ni approuvé la purification ethnique des Albanais du Kosovo » et qu’il avait « par contre, insisté sur la nécessité de protéger la population civile, albanaise ou autre. »[10] Dietmar Hartwig, le chef de la mission de contrôle de l’Union Européenne au Kosovo de novembre 1998 à mars 1999 (période précédant l’intervention de l’Otan), alors en contact avec les responsables serbes et albanais, a déclaré[12] avoir été choqué par la façon dont les médias occidentaux présentait le conflit, et en particulier qu’ils ont relayés les mensonges des Albanais sur les Serbes. Il a aussi expliqué que les Serbes cherchaient une solution politique et pacifique qui puisse être satisfaisante pour tous, alors que les Albanais souhaitaient établir un Kosovo mono-ethnique qui pourrait se joindre à l’Albanie. Il a encore ajouté qu’il n’avait jamais reçu de rapport faisant état d’agressions de Serbes contre des civils et que l’armée et la police serbes ne faisaient que répliquer aux affrontements provoqués par l’UCK. Enfin, on retiendra le témoignage du général serbe Bozidar Delic[13] qui, avec l’appui de très nombreux documents et vidéos, aura remis en question le réquisitoire de l’accusation concernant les exactions commises par les Serbes à Jeskovo, à Suva Reka, à Nagafc, ainsi que la destruction de la vieille ville de Dubrovnik, imputée à l’armée serbe mais qui, selon « une vidéo filmée par le professeur John Peter Maher de l’université de l’Illinois, […] était totalement intacte quelques semaines après sa prétendue destruction. » Le même Delic a aussi prouvé que Lord Paddy Ashdown, actuel proconsul de Bosnie, a menti dans son témoignage du 14 mars 2002 lorsqu’il a affirmé avoir observé à « la jumelle les forces serbes incendier, piller et bombarder plusieurs villages » alors qu’il se trouvait « sur la frontière albano-kosovare, près de Junik. » Les cartes topographiques prouvent « qu’il ne pouvait avoir été le témoin de la desctruction des villages cités, dont certains se trouvaient à 15 km et les autres de l’autre côté de collines et montagnes. »
Il nous faut aussi parler des conditions particulières accordées au général américain Wesley Clark, qui dirigea les opérations de l’Otan au Kosovo. Au mépris de ses propres règles, le TPIY l’a autorisé pendant une audience à huis clos, à communiquer avec des gens à l’extérieur par téléphone et fax afin d’obtenir l’aval de Bill Clinton sur le contenu de son témoignage qui, en outre, aura été partiellement censuré par le Département d’Etat américain.[2][7]
Certains se demanderont peut-être pourquoi, mais vous auriez eu bien du mal à prendre connaissance de ces informations en regardant la télévision, en écoutant la radio, et même en lisant les journaux. La plupart d’entre elles pourront pourtant être vérifiées sur le site du TPIY lui-même (http://www.un.org/icty/) si toutefois vous vous armez d’une très grande patience afin d’affronter l’impressionnante quantité de documents et leur rédaction parfois hermétique aux non spécialistes en droit. Loin de moi, toutefois, l’idée de présenter Milosevic comme une victime, même s’il n’est clairement pas non plus le nouvel Hitler, mais j’ai voulu essayer d’apporter une autre voix en explorant une autre voie. Et il faut bien reconnaître que tous ces faits semblent accréditer l’idée que, contrairement à ce qui avait été annoncé, le TPIY semble bien n’être là que pour infliger aux vaincus la justice des vainqueurs et que le procès Milosevic en particulier, n’aurait d’autre but que de justifier a posteriori l’intervention de l’Otan pour libérer le Kosovo du joug serbe.


Notes
[1] Lire « L'Otan mise en cause », L'Humanité, 8 juin 2000,
http://www.humanite.presse.fr/journal/2000-06-08/2000-06-08-226603
[2] Lire Edward Herman, « Le Tribunal Pénal de La Haye de moins en moins crédible », 1er juillet 2004,
http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=137&type=TPI
[3] Lire Elisabeth Levy, « Kosovo : l’insoutenable liberté de l’information », le Débat n°109, mars-avril 2000
[4] Dans le Petit Larousse
[5] Lire à ce sujet Serge Halimi et Dominique Vidal, « L’opinion, ça se travaille… », Editions Agone, 9 €
[6] Lire Sara Flounders, « Milosevic se voit refuser le droit universel d’assurer sa propre défense », 10 septembre 2004,
http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=171&type=TPI
[7] Lire Vladimir Caller, Georges Berghezan, Jean Bricmont et Hernn Valverde, « Milosevic au TPI : Celui qui doit se taire », 16 septembre 2004,
http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=169&type=TPI
[8] Lire Catherine Samary, « Ce que révèle le procès Milosevic - Fiasco à La Haye », Le Monde Diplomatique, Avril 2002,
http://www.monde-diplomatique.fr/2002/04/SAMARY/16405
[9] Lire Nico Varkevisser, « Le Tribunal Pénal International de La Haye : deux ans d’efforts couteux pour aboutir à un constat d’échec », Targets, Mars 2004,
http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=176&type=TPI
[10] Lire Roland Marounek, « Le simulacre de procès de La Haye tourne à la farce complète », Alerte Otan n°15, 10 octobre 2004,
http://www.stopusa.be/scripts/texte.php?section=BBBL&langue=&id=23405
[11] Lire Diana Johnstone, « Milosevic à La Haye : plus c’est intéressant, moins on en parle », Le Manifeste, 30 août 2005,
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-08-30%2013:15:33&log=invites
[12] Lire Andy Wilcoxson, « Le chef de la mission de contrôle de l’UE au Kosovo dément toutes les affirmations de Carla Del Ponte », 1er avril 2005,
http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=227&type=TPI
[13] Lire Andy Wilcoxson, « Un témoignage accablant pour l’accusation », 1er septembre 2005,
http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=255&type=TPI

13 septembre 2005

Free Tibet : Le mythe du paradis perdu

Nous sommes nombreux à penser que le Tibet devrait être un pays libre, que les Chinois n’ont rien à y faire, que cet endroit était une sorte d’eden mystique et spirituel. C’est pourquoi je vous conseille la lecture d’un article éclairant sur cette région du monde avant et depuis l’occupation. La biographie de l’auteur est .
Evidemment, je n’ai pas changé d’avis à la suite de cette lecture quant à la nécessaire libération du Tibet, mais j’ai appris beaucoup de choses. Et je me demande maintenant pourquoi certains autres pays occupés nous apparaissent (ou nous sont apparus) différemment : Timor Oriental, Palestine, Tchétchénie. Je vous laisse le soin de chercher la réponse par vous-même.

05 septembre 2005

Lettre de l’Union Nationale des Salariés et des Chômeurs au Medef

En réponse à un entretien avec Laurence Parisot paru dans le Figaro du 30 août 2005 [1], voici la lettre de l’UNSC.

LA MINORITE ECLAIREE CONDUIRA LE MONDE.

« Tout le monde le sait – l’OCDE, les économistes, les politiques -, c’est pas davantage de fluidité sur le marché du travail que l’on parviendra à réduire le chômage. » [1]
Il est évidemment très dommage que tous n’en soient pas encore convaincus mais nous comptons fermement sur le surplus « … [d’] explication et [de] pédagogie nécessaires » [1] pour améliorer les choses. Certains ne comprennent que difficilement, même les choses les plus simples, même quand c’est pour leur bien, mais nous nous proposons d’unir nos efforts aux vôtres afin d’éclairer les consciences.

LES SYNDICATS SONT DES TIGRES DE PAPIER.

« … beaucoup de chefs d’entreprise que j’ai rencontrés sont très intéressés par ce dispositif. [en parlant du CNE] » [1]
Il est clair pour tout le monde que la plupart d’entre eux auraient embauché du personnel depuis longtemps s’ils ne s’étaient trouvé devant le risque de voir leurs employés, toujours plus arrogants et revendicatifs (protégés qu’ils sont par un code du travail leur octroyant des droits faramineux), prendre peu à peu le contrôle de leur entreprise et s’enorgueillir d’un pouvoir toujours plus exorbitant. Heureusement, cette nouvelle période d’essai étendue remettra un peu d’ordre dans les choses en incitant les salariés à rester à leur place et à suivre au plus près les directives reçues. Ainsi les entreprises gagneront en efficacité, d’autant plus que les syndicats se verront dans l’obligation de mettre en sourdine leurs réclamations et d’essayer d’avoir une attitude enfin constructive en cessant de ne prendre en compte systématiquement que le point de vue des employés, sous peine de disparition à petit feu. Personne ne peut plus ignorer la nécessité de se relever les manches et de plonger ses mains dans boue lorsque l’urgence de la situation l’impose. Chacun devra balayer devant sa porte. S’ils veulent vraiment trouver du travail les chômeurs devront faire fondre leurs prétentions afin de passer par le goulot de l’embauche sans s’étrangler. C’est sans doute un peu cela aussi que l’on appelle la fluidité du marché du travail. A défaut de pouvoir dissoudre les chômeurs, au moins pouvons-nous essayer de les diluer dans la marée des travailleurs soumis et efficaces.

LA PRECARITE EST DANS LA NATURE DES CHOSES.

Lorsque le journaliste lui expose que le CNE est vécu comme apportant davantage de précarité, Laurence Parisot s’insurge : « Mais c’est une illusion ! La vie, la santé, l ‘amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » [1]
C’est pourtant d’une limpidité frappante [2]. L’homme, drapé dans son imperfection, cherche à corriger la nature mais ne parvient qu’à empirer les choses. D’ailleurs, c’est avec une grande impatience que nous attendons les propositions du Medef sur l’extension des lois naturelles à d’autres domaines, tels que, (pourquoi pas ? soyons courageux !) la santé. Personne ne peut nier que les cotisations de sécurité sociale pèsent de façon dramatique sur l’emploi sans pourtant ne jamais parvenir à résoudre les problèmes. Sur ce sujet, comme sur bien d’autres, la loi naturelle de la précarité ne pourra qu’améliorer les choses et réparer les dégâts commis par l’homme.

TROP DE SOUFFRANCES INUTILES.

Nous aurions tord de croire que nous sommes protégés par « toutes les dispositions actuelles du code du travail » [1]. Il est incontestable que « Quand une entreprise est obligée de licencier, elle le fait, tôt ou tard. […] Le code actuel ne fait qu’ajouter des délais, une souffrance et des coûts dont on pourrait se passer. » [1] Evidemment, nous nous sommes tous déjà mis à la place d’un chef d’entreprise qui est face à face avec son employé, qui doit lui annoncer la mauvaise nouvelle d’un licenciement et qui, de plus, se trouve dans l’obligation de se justifier [3]. Nous ne pouvons que compatir devant le traumatisme qu’il subit et imaginer les douloureuses conséquences que ne manqueront pas de générer les inévitables stress et angoisse. Rien ne peut nécessiter d’infliger ces souffrances totalement superflues. Il est aussi d’une claire évidence que si les délais de licenciement étaient réduits, les néo-chômeurs disposeraient de plus de temps, de force et d’énergie en se présentant sur le marché du travail plus tôt, plus frais et plus dynamiques.

GAGNANT-GAGNANT.

« Le gouvernement pourrait aussi faire savoir que quand les entreprises gagnent, tout le monde gagne. » [1] Evidemment, certains gagnent plus que d’autres, mais quoi de plus normal. Comment pourrait-on en effet comparer le travail d’un ouvrier, si qualifié soit-il, avec les responsabilités d’un directeur, d’un chef d’entreprise ou d’une capitaine d’industrie. Les arguments concernant la pénibilité de certaines tâches, voire même les maladies et les accidents causés par certains travaux ou par des conditions extrêmes ont fait long feu. Nous ne sommes plus au dix-neuvième siècle, enfin ! Toute la modernité du vingt-et-unième siècle nous tend les bras et nous donne la main. Alors si parfois quelques centaines de personnes sont licenciées pour convenance boursière (comme on dit), c’est-à-dire pour un profit plus grand des actionnaires (après tout ce sont quand même eux qui assument les risques), il faut savoir en tirer le meilleur parti et comprendre qu’il s’agit là pour eux d’une opportunité inespérée de relance de carrière, avant que leur secteur d’activité ne soit véritablement en crise.

LE POUVOIR EST AU BOUT DU PROFIT.

Ainsi donc, nous voulons faire savoir que nous sommes pleinement conscients que lorsqu’il s’agit du bien commun, il faut savoir assumer ses responsabilités et s’en remettre naturellement aux compétences chacun. C’est donc le cœur rempli d’espoir en un avenir radieux que nous disons « Le Medef sera notre guide suprême et à la loi de précarité toujours nous nous soumettrons. »


Notes
[1] Toutes ces citations sont extraites de cet entretien dans le Figaro ... Hélas, ce lien est mort, l'article n'est plus en ligne.
[2] Quoi qu’en disent certains, n'est-ce pas Monsieur Torpedo ...
[3] Un peu comme un malfaiteur, quoi…